Road trip 1/3 - La Blues Highway, le long du fleuve Mississippi

Dernière ligne droite de ce voyage, un dernier road trip de la Nouvelle-Orléans à Miami, en deux temps : 
- La "Blues Highway" - Route du blues ; 
De la Nouvelle-Orléans à Memphis, puis jusqu'à Nashville en remontant le fleuve Mississippi, jusqu'à la région du delta du Mississippi, terre d'origine du blues et plus précisément du delta blues. Ce sont aussi des états dans lequels la guerre de sécession s'est déroulée. Ce sera l'occasion d'en apprendre un peu plus sur l'histoire des États-Unis.
- Côte Est, de Savannah en Georgie à Miami en Floride avec en bonus, les Keys, petit paradis tout au sud de la Floride, archipel entre le golf du Mexique et l'océan Atlantique.
(carte en fin d'article)

Après avoir passé presque trois semaines dans les grands espaces de l'Ouest américain, on quitte donc la Nouvelle-Orléans que l'on a adoré, pour commencer un road trip un peu plus culturel et musical.


Notre premier stop est prévu à la plantation de Laura. Il s'agit d'une ancienne plantation de canne à sucre, aujourd'hui restaurée pour les visiteurs.


La visite est en français et dure 1h30, on nous raconte l'histoire généalogique de la famille Duparc, propriétaires de la plantation depuis le début des années 1800. Ils sont français d'origine, ancien commandant venus combattre les anglais au milieu du 18ème sièle. 

Cette plantation a évidemment employé un grand nombre d'esclaves, jusqu'à 200 individus ! 
On commence la visite dans le jardin, devant le bâtiment et sous les magnifiques chênes centenaires. Puis on entre dans la cave avant d'entendre les histoires de chaque habitant, occupant chaque pièce de la maison, une vraie saga vielle de 200 ans ! On finit par les cases des esclaves, dans le jardin et proche des champs. On aborde leurs conditions de vie et leurs difficultés pour entrer dans la société, une fois affranchis.

Depuis 1805, les membres de la famille Duparc mettent un point d'honneur sur leur descendance et donc héritiers, futurs propriétaires de la plantation. Avoir un enfant représentait avant tout, la possibilité de pouvoir transmettre sa fortune. 


Voici la maison de la plantation Laura
(cette photo n'est pas de nous, nous n'avons malheureusement pas pu revenir sur le site une fois la visite terminée pour prendre du recul et prendre cette photo).

On ne voit pas bien, on est dans la cave. Cette affiche montre l'ensemble des plantations de canne à sucre de part et d'autre du fleuve du Mississippi. Il y en a des centaines de la Nouvelle-Orléans à Baton Rouge.


Les gros pots, importés de France, servaient de réfrigérateur une fois enterrés dans le sol. Grâce notamment au refroidissement par la nappe phréatique qui est très en surface, surtout si proche du fleuve.


Les fondations et poteaux en briques rouges, typiques des maisons de cette époque, toutes construites par les esclaves sur ce même principe. Les briques sont fabriquées à partir de la terre argileuse du bord du fleuve. 


Deux membres de la famille


Et l'arbre généalogique complet


Dans la salle à manger, notre guide, Louisianais et donc créole. 
Les créoles sont tout les gens nés dans la colonie par opposition au vieux continent. Ils sont les descendants colons français, espagnols, africains.
Il parle un français irréprochable. 


 Et sur la galerie à l'arrière


Le jardin


Un autre bâtiment sur le domaine

Je sonne la cloche pour annoncer la pause déjeuner.

Le registre des esclaves
La valeur des esclaves dépendait de leurs origines, de leurs compétences, de leur caractère... C'est un courtier d'esclave qui venait pour les évaluer.
Les propriétaires avaient besoin de valoriser leurs esclaves lorsqu'ils voulaient connaitre la valeur de leur plantation.
En moyenne un esclave valait 25000 $ (équivalent à la monnaie d'aujourd'hui), avec presque 200 esclaves, on se rend compte de la fortune des propriétaires !
C'était notamment nécessaire lorsqu'il y avait une transmission par héritage.

Sur le panneau de droite, on peut voir les mots suivants :
- Nègre / Negresse : personne noire d'origine africaine ou caraïbéenne 
- Nègre créole : personne née en Louisiane de parents nègres
- Mulâtre : personne née d'un parent blanc et d'un parent noir ou de deux parents mulâtres.
- Négrillon / Negritte : enfant nègre
- Griffe créole : personne avec moins de 50 % de sang noir, jugé en fonction de la couleur de sa peau ! Certainement moins foncé qu'un mulâtre par exemple...

En fonction de ces classifications, la valeur d'un esclave aux compétences égales était différente. Un homme avec du sang blanc, même un peu, était forcément plus intelligent et donc plus cher...


Les chênes centenaires vue sur le côté.
Ils sont énormes, plantés en 1800, ils ont plus de 200 ans !
Ils sont inscrits au registre des arbres monumentaux de l'état et ils ont ainsi des noms, l'un d'eux s'appelle Laura.



Et c'est reparti pour le camping. Cette fois, il fait 21°C au plus bas la nuit.
On en paie le prix par les piqures de moustique !


De la grande cuisine !

J'ai failli oublié de présenter Camry, notre compagnon de route !




Grosse organisation du coffre mode road trip, maintenant, on a l'habitude !


On se dirige vers la ville de Baton Rouge, toujours en Louisiane, pour y visiter le vieux capitole, bâtiment historique du gouvernement. La Nouvelle-Orléans et Baton Rouge se sont disputés la fonction de capitale de l'état.






Le "Merci Train" 
Pour remercier les américains d'avoir envoyé en France environ 700 wagons de marchandise durant la seconde guerre mondiale, la France a envoyé 48 wagons, 1 par état, remplis de cadeaux (vin, vêtements, pièces d'art, meubles...). Celui-ci était destiné à la Louisiane.

C'est pas beau ça ?!


Déjeuner dans le parc


Puis on monte jusqu'à Vicksburg, ville connue pour son rôle dans la guerre de sécession. Sa position stratégique sur le Mississippi en a fait le lieu de batailles terribles entre les états de l'union (nord, abolitionistes) et les états confédérés (sud, esclavagistes). On visite le parc national militaire et le bateau U.S.S Cairo, cannonière de l'armée de l'Union conçu pour naviguer dans les eaux peu profondes du Mississippi. Il est aussi le premier à couler à cause d'une mine marine. Il est resté au fond du fleuve jusqu'en 1964, l'opération pour le sortir de l'eau fût une autre bataille... 





Un des nombreux mémoriaux, la guerre civile a tué plus d'hommes que toutes les autres guerres réunies, dans lesquels les États-Unis sont et ont été impliqués...


Le U.S.S. Cairo



On reprend la route 61, direction Indianola sur les traces du blues, petite ville qui abrite le musée de B.B. King. Un musée fort intéressant, qui nous permet de nous plonger dans la vie de ce bluesman.








Voilà la zone du delta du Mississippi,
à ne pas confondre avec le delta du fleuve.




Pendant la période de ségrégation raciale, voici un exemple de document, carte des hôtels pour personnes de couleur.


La clim est toujours trop forte ! 
Charlène découvre la playlist du musée.




Et une reconstitution du studio de B.B. King


Heureusement qu'il n'y pas de son sur les photos...


Ça y est, on a atteint la région du delta du Mississippi, on est même en plein coeur de celle-ci. Cette région est une plaine très plate et basse, où le Mississippi a parfois changé sa course sans prévenir, suite à un évènement géologique. Avec l'abondance d'eau et la qualité du sol, la terre fertile est propice à la plantation de coton. Il n'y a autour de nous, que des champs de coton (tout juste semés en cette saison). C'est dans cette zone géographique, dans les champs de coton, qu'est apparu le blues, le blues du delta. Les gens qui travaillaient dans les champs restaient leur vie entière dans une même plantation, c'était chez eux. C'est justement par le biais de cet isolement, que le blues du delta a développé un style propre, sans aucune influence extérieure.


Parmi les bluesmen du delta, il y en a un que j'apprécie particulièrement, c'est Robert Johnson. Personnage mystérieux, né en 1911 et mort en 1938, il fait partie du club des 27. Il n'y a que deux photos qui existent de lui.

Cet homme qui ne savait pas jouer de la guitare au point de faire fuir les gens, aurait fait un pacte avec le diable à la croisée des chemins des routes 61 et 49. Il lui aurait échangé son âme contre des talents hors normes de guitariste...


Robert Johnson


En tant que fan inconditionnel, je me dois de visiter les mémoriaux et les potentiels tombes de Robert Johnson. En effet, le mystère autour de cet homme est tel qu'on ne sait même pas où il fût enterré.

Il y a ainsi trois sites, dans un petit rayon de 20 km.

-1-

Et c'est parti, on arrive sur le premier site que j'avais soigneusement pointé sur notre application. Une voie, quelques maisons et une église modestes, on doit y être. On est vraiment au milieu de rien, au fin fond du Mississippi. Je fais le tour du cimetière, de l'église... Les tombes sont disposées au hasard, on a enterré les corps où il y avait de la place. Des fois, on dirait qu'ils n'ont pas fait de trou pour les enterrer et qu'ils ont juste recouvert les corps... C'est assez unique comme ambiance.
Et puis je finis par la trouver, une toute petite pierre tombale, sans hommage.


#1 Payne Chapel Memorial Baptist Church
32830 County Road 167, Itta Bena, MS 38941

-2-
Deuxième site, c'est un peu plus simple à repérer, une stèle en son honneur est érigée devant l'église. Cette fois-ci, on ne peut pas se tromper.

#2 Mount Zion Missionary Baptist Church
Mississippi 7, Morgan City, MS



Toute petite église et le cimetière, très pauvre.

-3-
Enfin on se rend au dernier endroit, je cherche à nouveau car la tombe est assez loin. Ce site semble être le plus important.

#3 Little Zion Cemetery
Little Zion Cemetery, Mississippi 38930

Encore une fois, très simple et très authentique.
Ici, pas de cars remplis de touristes, on est seul ce qui donne beaucoup de portée à la visite.


Il a été empoisonné par ici et il aurait souffert trois jours avant de décéder. D'après la seule témoin, il se serait tenu devant ce vieil arbre avant de mourir.

Quelques fans sont passés et ont laissé des objets.
Durant les dernières années de sa vie, il a abusé de l'alcool et du whiskey notamment, c'est d'ailleurs au travers d'une bouteille de whiskey qu'il a été empoisonné. Il fait aussi référence aux croyances hoodoo, d'origine africaine dans ses chansons.

Ça peut paraitre un peu bizarre, Charlène me demande si je crois en les esprits. Ce n'est pas le cas. En revanche je suis sensible aux lieux où l'on se trouve. Là où tout a commencé pour cette musique. Être devant cet arbre et savoir que cet homme s'est tenu là juste avant de mourir il y a plus de 90 ans, élève mon imagination et ma fascination.


On continue notre route et nous arrêtons à "Dockerie Farm", une ancienne ferme de coton. Ce lieu est important, il est le lieu de naissance de Charley Patton, premier bluesman du genre. C'est ici que le blues du delta serait né, il est le premier à avoir  pu enregistrer sa musique.












Il a beaucoup plu ces derniers temps, on traverse des paysages inondés.


Voici un peu ce qu'on voit dans l'état du Mississippi. Les habitations sont assez pauvres.


Les églises que l'on croise tous les 500 mètres, au beau milieu de nul part.


On avait prévu de dormir dans ce camping... On se rabat sur un motel.


Et quand on dit que tout est grand aux États-Unis, ça c'est la salle du petit-déjeuner. 150 m2 pour 6 tables !



On poursuit notre road trip le long de ce fleuve, pour une étape à Clarksdale, point central de la plaine du delta et par conséquent, haut lieu des origines du blues. On y trouve évidemment le musée du delta blues et un bar mythique, le "Ground Zero Blues Club", dont un des propriétaires n'est autre que Morgan Freeman ! Appelé ainsi car Clarksdale est considéré comme le "point de départ" du blues.
Mais avant, on passe par le croisement des routes 61 et 49, nommé "The Crossroads". C'est ici même que Robert Johnson a vendu son âme au diable contre ses talents de guitariste...



Sujet magnifique ! 😊




Le Ground Zero Blues Club, dans son jus !

Extérieur et intérieur !

On assiste au concert d'un groupe blues - rock un peu funk. Mais ce n'est pas non plus le lieu qui fait tout... On n'a pas trop aimé...




Un aperçu du trajet de la première partie de ce road trip.

Guillaume

Commentaires

  1. Malaysia is raining a lot too recently. Take care. Carlson x

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  2. Robert Johnson !! Quelle classe !!
    Et la maison de Forrest Gump.

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  3. çà marche !!!
    Coucou les loups , me revoilou !
    plus d une semaine que ce b.rd.l de m.r.d. refuse ma connexion !
    Mais çà ne m empêchait pas de vous suivre...Et toutes mes felicitations pour cette tenue exemplaire de blog jusqu à son apogee ! Meme pas mal , apres quasi 8 mois de bourlinguage...Les photos sont là , les commentaires toujours instructifs, les textes fluides ...Chapeau , les loulous , vous avez du merite !
    Mais desole , les States ne me font pas band.r...C est bien , mais votre Australie m avait vraiment emballe et j ai l impression , qu à cote , les States sont fades….OK OK , vous allez lancer le bouquet final avec Miami ; j espere qu on verra les successeurs et successeuses (c est bon , j ai bien mis les "c" et les "s" où il fallait…) d Alerte à Malibu.Faut que çà egaye un peu ce blog !!!
    bisous mes amours !

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  4. Team Les Poulières27 mai 2019 à 02:56

    Ah oui ! Vous faites un vrai Road Trip blues et culturel, c'est très agréable de découvrir ce monde qui m'est inconnu, et en même temps ça a tellement l'air empreint d'émotions.
    Je ne peux pas m'empêcher d'avoir une pensée pour les victimes d'esclavagisme. Ca parait tellement loin et tellement proche en même temps..
    En tout cas, en lisant votre article, je me dis que les USA ont peut être une Histoire récente, mais malgré tout : quelle Histoire tout de même..!

    Bonne continuation dans ce Road Trip rempli d'émotions, avec beaucoup de sincérité.

    Bisous

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